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De la Route du Rhum à la saison 2003 (2ème partie)

Michel Desjoyeaux

objectif atteint, et même plus qu'atteint
puisque Michel Desjoyeaux s'est imposé en tête de la compétition. Parti avec un bateau tout neuf, et ne figurant pas sur la liste des favoris, il a réussi à s'imposer dans une des plus grandes courses d'Europe. Une victoire bien méritée pour Mich' Desj', passionné de longue date puisque tout petit déjà il avait les pieds dans l'eau.

 

1- 18- Cette Route du Rhum a été particulièrement violente sur le plan météorologique, on pourrait même parler d'hécatombe;comment avez-vous fait pour passer au travers des tempêtes ?

Les conditions météo étaient incertaines, même si les généralités indiquait des risques dès le début, ce qui nous incitait à d'autant plus de prudence. Mais à peu de choses près, ceux qui se trouvaient devant auraient très bien pu passer en avant du phénomène, et ceux de derrière, dont je faisais parti, se retrouver pris dans ces phénomènes très violent et furieux. Mon ambition, qui était tout d'abord de finir, m'a aussi évité de m'approcher des limites potentielles du bateau, et de chavirer bêtement mais ça aurait pu m'arriver aussi. Je crois qu'il faut beaucoup d'humilité face à tout cela, ce n'est, en aucune façon, une science exacte. Dire que ce que j'ai fait est bien et que les autres ont fait des erreurs est un raccourci dans lequel je ne m'engagerais pas du tout, ça ne m'intéresse pas.


2- 19- Que diriez-vous des quinze abandons ? Malchance, bateau pas assez bien préparé, contexte météorologique.

Je n'aime pas trop le terme de malchance car on a tendance à lui donner la faute. Il faut être capable de reconnaître qu'on a eu de la chance, et je pense j'en ai eue. Un peu de réussite aussi, parce qu'il en faut pour arriver avant les autres, mais ça ne s'achète pas !C'est une solution de facilité que de tout reporter sur la malchance, c'est la porte ouverte à toutes les mauvaises volontés pour reconnaître qu'on a pu faire des erreurs, or tout le monde en fait. Mais les 15 abandons appartiennent à plusieurs familles, 4 pour ainsi dire.


3- 20- Quelles sont ces différentes « familles » d'abandon ?

Il y a tout d'abord des sorties de piste, comme celle de Franck Cammas ou Francis Joyon, ensuite les conditions météo très dures ont, au bout de quelques jours de mer, énormément fatigué les navigateurs et leur ont peut-être fait perdre une part de la lucidité nécessaire à la gestion de situation de crise. Pour moi, c'est un peu ce qui est arrivé à Philippe Monnet, Yvan Bourgnon et d'un certaine façon à Stève Ravussin qui, je pense, se voyait déjà gagnant. Certains ont rencontré des problèmes plus techniques comme Thomas Coville, Alain Gautier, Karine Fauconnier et Loïc Peyron, ainsi que Jean le Cam. Enfin, beaucoup n'ont pas voulu prendre le risque de casser leur bateau car ceux qui étaient passés avant en avaient fait l'expérience. C'est ce qu'a fait Jean-Luc Nélias et, dans une certaine mesure, Frédéric Le Peutrec, à la demande de son architecte. Il ne faut donc pas voir tous les abandons sous le même angle, et toutes les déceptions, je crois qu'elles sont à situer à plusieurs niveaux.


4- 21- Pourquoi les multicoques ont été les plus touchés au niveau des abandons ?

Je n'ai pas trop regardé mais par rapport aux 60 pieds du Vendée, ce sont des bateaux fait pour rencontrer ces conditions là quotidiennement. Et dans les mers du Sud, ce n'est pas à une tempête sur 15 jours qu'il faut faire face, mais à une tous les 3 jours. Il n'en reste pas moins que ce ne sont pas du tout les mêmes bateaux, ils ne procurent pas du tout les mêmes sensations, et je pense ne pas être trop mal placé pour parler puisque j'ai fait ces deux courses considérées comme les plus difficiles. avec les deux types de bateau. Un tour du monde en 93 jours et une traversée de l'Atlantique en multicoque en moins de 15 jours.Le trimaran est un exercice qui est beaucoup plus dur, non pas physiquement car la course n'est pas longue mais mentalement, ce sont des bateaux très durs à mener. On est en permanence à jouer sur le fil du rasoir, et la moindre perte de lucidité peut conduire à un chavirage ou a une erreur fatale. Les monocoques ont eu quelques abandons certes, mais ils restent tout de même plus adaptés à des conditions terribles, comme celles que l'on a eues.


5- 22- Est-ce que la solidité, la résistance des bateaux sont un des facteurs de ces abandons et accidents ?

Aujourd'hui, on a une flotte qui comporte beaucoup de bateaux intéressants et on ne peut pas nier la crise de croissance. Les bateaux vont plus vite, on les pousse plus fort aussi parce qu'il y a beaucoup de concurrents sur la ligne de départ et que l'objectif est d'être le premier. Le propre de la compétition, c'est de s'approcher des limites sans les dépasser, mais il apparaît clairement qu'il faut solidifier les bateaux, sans pour autant remettre en cause tout le système. Ce sont des bateaux fantastiques à naviguer, aussi bien en équipage autour de trois bouées qu'en solitaire à travers l'Atlantique. On a encore aujourd'hui sur la mer un peu de liberté, et j'espère qu'on va la préserver aussi longtemps que possible.


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